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  Félix Peña

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  Revista Cahiers du GELA-IS (Bélgica) | 10 de enero de 2008

Le MERCOSUR face à une nouvelle étape de son développement


 

El Grupo de estudios latinoamericanos del Instituto de Sociología de la Universidad Libre de Bruselas publica esta revista. Los centros de intereses de esta unidad de investigación se reflejan en la publicación anual: Sociología del Estado, Ciudadanía, Democracia, Género, Estudios latinoamericanos y Metodología de las ciencias políticas. Se organiza generalmente números temáticos.

Editor: Université Libre de Bruxelles. Groupe d'études latinoaméricaines de l'Institut de Sociologie

Année: 2004 / n. 3

  • Fairlie Reinoso, Alan . La Communauté andine des nations : les défis à relever.
  • Sberro, Stephan. L'Union européenne : une alternative stratégique crédible pour le Mexique ?.
  • Rubio, Luis Arnoldo. L'intégration centre-américaine : entre le modèle eurpéen et le modèle nord-américain.
    Lombaerde, Philiphe de ; Lizarazo, Liliana. La problématique de l'intégration monétaire en Amérique latine et dans les Caraibes.
  • Peña, Félix. Le MERCOSUR face à une nouvelle étape de son développement.
  • Serbin, Andrés. Vers un espace sud-américain ? Le long et difficile chemin de l'Amérique du Sud vers l'intégration.
  • Bizzozero, Lincoln ; Santander, Sebastian. L'insertion internationale des petits pays. Le cas de l'Uruguay : de l'indépendance au nouveau régionalisme.
  • Jedlicki, Claudio. Trois décennies d'évolution politique commerciale chilienne. D'une stratégie de substitution d'importations au libre-échange tous azimuts.
  • Brunelle, Dorval. L'ALENA et la continentalisation de l'économie nord-américaine : enjeux et perspectives.
  • Santander, Sebastian (coord.). Globalisation, gouvernance et logiques régionales dans les Amériques.
  • Deblock, Christian ; Turcotte, Sylvain F.. La Zone de libre-échange des Amériques : les Etats-Unis seuls maîtres à bord ?.
Article traduit de l'espagnol par Sebastian Santander.

Félix Peña, Directeur du Nucleo Interdisciplinario de Estudios Internacionales de la Universidad Nacional de Tres de Febrero (UNTREF) et Directeur de l'Institut de Commerce International de la Fondation Standard Bank. Il a été coordinateur de la section nationale du Groupe Marché Commun du MERCOSUR pour le Ministère des Affaires Etrangères d'Argentine (1991-1992) et sous-secrétaire pour le commerce extérieur du Ministère de l'Economie argentin (1998-1999).

Pourvu de nouveaux gouvernements dans trois de ses pays membres - incluant les plus importants du point de vue du poids économique - on est en droit de se demander si le MERCOSUR n'est pas en train d'inaugurer une nouvelle étape de son développement, après avoir connu une longue période d'incertitude et de stagnation.

Les déclarations claires du président Lula quant à l'importance que le Brésil attribue au MERCOSUR constituent des signaux positifs en faveur le l'avenir du projet commun d'intégration avec l'Argentine, le . Paraguay et l'Uruguay. Toutefois, si l'on cherche à établir des éléments objectifs favorables à la crédibilité du MERCOSUR aux yeux des citoyens, investisseurs et pays tiers, ces déclarations doivent encore se voir traduites par des propositions concrètes. Ces propositions devraient refléter une réelle volonté politique de la part des partenaires, et plus particulièrement des deux plus grands, à respecter leurs engagements volontaires et à mettre fin à la tendance récurrente des pratiques unilatéc raIes qui transgressent ou faussent ces engagements. Autrement dit, le MERCOSUR ne parviendra à recouvrer sa crédibilité que dans la mesure où les faits pourront démontrer qu'il est déterminé par des règles qui sont respectées (rule-oriented process) [1].

La question préalablement posée fait sens pour, tout au moins, deux motifs. D'abord, parce que l'on constate dans les quatre pays membres la tenue d'un débat récurrent sur le futur du :MERCOSUR [2]. Ensuite, parce que c'est de la portée et de la qualité des méthodologies et des instruments d'intégration utilisés ultérieurement que dépendra la capacité du groupe régional de constituer un cadre efficace à la transformation productive de chaque partenaire et de fonctionner en tant que plate-forme permettant de mieux prendre part à la concurrence et aux négociations internationales.

Un débat nécessaire

Le MERCOSUR a-t-il un avenir? Le cas échéant, à quelles méthodologies de l'intégration devrait-on recourir quant à sa construction future? Comment le groupement régional développera-t-il ses relations avec d'autres processus de libéralisation commerciale auxquels participent ses membres? En particulier dans le cadre des négociations de la Zone de libre-échange des Amériques (ZLEA) [3] ou du "4+1" , MERCOSUR-Etats-Unis? Comment potentialiser les résultats déjà engrangés - tant au niveau commercial que politique - et comment profiter des leçons tirées des expériences antérieures? Comment tendre à plus d'efficacité en matière de concurrence et de négociation sur le plan international ?

Ces différentes questions sont actuellement débattues avec une intensité croissante dans les pays membres. Il s'agit d'un débat positif et opportun. Positif car il est salutaire de soumettre à la critique constructive un processus politique et économique qui influe sur la qualité de l'insertion internationale de chacun des pays membres et qui, durant ces dernières années, a montré de sérieuses imperfections. Opportun dans la mesure où il coïncide avec de nouvelles périodes gouvernementales dans trois pays du :MERCOSUR (Argentine, Brésil et Paraguay), avec l'avancée de négociations complexes et aux résultats incertains quant à leurs conclusions au sein de l'Organisation Mondiale du Commerce (OMC), de la ZLEA, ainsi qu'avec l'Union eùropéenne (DE), et, enfin, avec la mise en place d'un agenda de sécurité internationale (globale et régionale) qui éprouve la capacité des membres à articJ.Ùer leurs visions et intérêts au niveau extérieur. Particulièrement dans leur relation avec les Etats-Unis. L'expérience de l'UE lors de la récente guerre en Irak démontre qu'il est malaisé de concilier les politiques étrangères des différents Etats membres d'un même espace d'intégration économique.

Deux facteurs au moins favorisent ce débat. D'une part, la perception selon laquelle, malgré les importants résultats engrangés au cours des deux dernières décennies - c'est-à-dire à partir du lancement en 1986 du Programme d'intégration bilatérale entre l'Argentine et le Brésil qui débouchera ensuite sur sa création - la situation du MERCOSUR est loin d'être positive. Ce dernier connaît un problème de crédibilité tant interne qu'externe suscité par la mauvaise situation économique qui, à partir de 1998, affectera ses membres (aggravée récemment par la crise argentine et; en outre, par le comportement de l'économie brésilienne) et qui influera sur la détérioration des échanges commerciaux ainsi que sur les stratégies menées par les entreprises dans des secteurs d'importance comme celui de l'automobile. Ce problème est également dû à la piètre qualité des règles du jeu qui n'ont guère contribué à générer un horizon prévisible pour les investisseurs. D'ailleurs, nombreuses sont les règles qui bien que formellement adoptées, ne sont jusqu'à présent pas encore entrées en vigueur. En outre, il arrive régulièrement que les engagements juridiques émanant du Traité d'Asunci6n ne soient pas respectés [4].

D'autre part, le débat a été suscité du fait que, dans son état actuel, le MERCOSUR ne constitue pas un instrument totalement efficace pour la transformation productive, la compétitivité internationale et les négociations commerciales entre les membres. Bien qu'il ne soit pas responsable des sérieux problèmes économiques rencontrés par certains pays du bloc, le MERCOSUR n'a guère contribué à en contrecarrer ou à en atténuer les effets.

Un débat à deux dimensions

Deux dimensions émergent dans le débat actuel. L'une est existentielle, l'autre méthodologique ou instrumentale.

Le caractère existentiel se réfère au sens stratégique du travail commun, systématique et permanent entre les membres. il est lié à l'opportunité d'impulser une stratégie d'intégration - pas seulement économique - entre les quatre partenaires et élargie au Chili. Rares sont ceux qui mettent en question cette idée, et ceux qui le font proposent deux options non exclusives entre elles. La première est celle d'une stratégie d'insertion internationale individuelle mise en place par le truchement d'accords commerciaux bilatéraux avec d'autres entités, notamment avec les Etats-Unis et l'UE. Cette approche correspondrait à celle adoptée par le Chili [5]. La deuxième consiste à privilégier une alliance stratégique avec les Etats-Unis qui aurait pour conséquence l'adoption d'un accord de libre commerce bilatéral ou l'incorporation à l'Accord de libreéchange nord-américain (ALENA) [6]. Dans les deux cas, ces propositions auraient pour effet d'abandonner le MERCOSUR ou de le transformer en une simple zone de libre commerce, voire de le diluer dans la ZLEA ou encore de le limiter à sa seule dimension politique. Les hypothèses concernant ce sujet ont souvent tendance à négliger les effets juridiques - droits acquis par ceux qui ont investi sur base du MERCOSUR formellement promis - ou de politique commerciale: si l'on décidait de revenir à une simple zone de libre-échange, les parties .devraient renégocier la libéralisation douanière précédemment réussie, qui suppose l'existence d'un tarif extérieur commun ainsi que la mise en place ultérieure d'un marché commun, et négocier les règles d'origine spécifiques. Quant à leurs effets sur la crédibilité internationale, pourquoi faudrait-il croire aux engagements qui seraient pris dans le futur par des pays qui n'ont pas réussi à respecter les compromis antérieurs?

Les gouvernements actuels ont réitéré la nécessité d'approfondir la stratégie d'insertion dans le monde à travers le renforcement du MERCOSUR tel qu'il fut conçu à l'origine - à partir de l'établissement d'une union douanière, la construction graduelle d'un marché conunun, ouvert au monde à travers les négociations au sein de l'OMC, avec les Etats-Unis et l'UE. C'est la position qui a été adoptée par le président Lula au Brésil.

Le nouveau gouvernement argentin a annoncé qu'il suivrait cette même ligne de conduite, qui fut d'ailleurs celle adoptée dans les faits sous les législatures respectives de Carlos Menem, Fernando de la Rua et Eduardo Duhalde [7]. Soulignons que, dans le débat existentiel, il arrive qu'une certaine réalité soit omise par l'honune d'Etat lors de la prise de décision. Il s'agit du fait que le MERCOSUR est bien plus qu'un processus d'intégration; c'est le nom d'une région qui coexistera avec ses pays membres même si les engagements du Traité d'Asunci6n venaient à disparaître. Les décideurs politiques ne peuvent sous-estimer l'impact politique et économique issu de la principale réussite de l'association: le développement d'un espace de paix et de coopération entre des nations contiguës irradiant l'Amérique du Sud de ses bienfaits. Il est acquis que pour ces nations, l'alternative à la logique de l'intégration est celle de la fragmentation. En ce sens, l'expérience européenne est édifiante. La dilution du MERCOSUR pourrait occasionner des effets incalculables sur la stabilité de l'Amérique du Sud. Cette réalité est également perçue par les opinions publiques des quatre pays membres qui continuent de se manifester en faveur de l'aspect stratégique du MERCOSUR, bien qu'elles désavouent les méthodologies de l'intégration suivies ces dernières années.

La dimension méthodologique ou instrwnentale est également liée aux méthodes utilisées pour développer le MERCOSUR, incluant les mécanismes de décision, les techniques d'intégration de marchés - union douanière ou zone de libre-échange - et la qualité des règles du jeu. Actuellement, c'est cette dernière dimension qui demande le plus d'attention.

Il serait intéressant d'approfondir le débat au sujet des quatre piliers de base du processus portant sur la nature du MERCOSUR. Ces derniers se retrouvent également dans d'autres espaces régionaux qui cherchent à intégrer de manière systématique et permanente leurs marchés respectifs, quelles que soient les techniques utilisées pour réaliser l'objectif poursuivi, comme par exemple une zone de libre-échange ou une union douanière.

Ces piliers pourraient être résumés de la manière suivante comment renforcer la confiance et la loyauté entre les membres en se basant sur des Întérêts et des bénéfices mutuels; comment approfondir le principe de la préférence économique tout en demeurant conforme à l'article XXIV du GATT-1994 (article qui définit de manière large et ambiguë les conditions à remplir tant par les zones de libre-échange que par les unions douanières); comment garantir un minimum de discipline collective par rapport à des règles du jeu qui soient tant prévisibles, c'està-dire respectées, que flexibles, autrement dit qui permettent des adaptations en fonction des changements de la réalité ou de l'urgence; et enfin, comment perfectionner les méthodes de coordination des intérêts et de résolution des conflits commerciaux à partir d'une meilleure organisation interne de chaque membre pour la participation au processus d'intégration?

Un débat sérieux sur la dimension méthodologique et instrumentale du MERCOSUR, qui se traduirait en décisions politiques viables, permettrait d'évacuer les doutes existentiels et de mettre un terme à l'actuelle crise de crédibilité. Il serait possible, le cas échéant, d'atteindre l'objectif original, à savoir développer un contexte favorable à la résolution des multiples défis internes et externes auxquels les membrés sont continuellement confrontés. A l'évidence, un MERCOSUR efficace et crédible nécessite une forte dose de leadership politique et d'imagination technique.

Pour que le débat sur les futures méthodologies de la construction du MERCOSUR puisse déboucher sur des résultats concrets - tirant profit des avancées faites et des leçons engrangées par deux décennies d'intégration - il ne doit pas seulement porter sur les négociations commerciales en cours (OMC, ZLEA, UE) mais également - et surtout - sur la nécessité pour les membres de se préparer à la concurrence issue des espaces économiques impliqués dans de telles négociations.

L'avenir du MERCOSUR va dorénavant se définir en fonction de deux axes à caractère politique. Alors que le premier porte sur l'intensité et la qualité de l'alliance stratégique entre l'Argentine et le Brésil, le deuxième est lié aux agendas extérieurs qui occuperont les quatre membres, en particulier en ce qui concerne la sécurité internationale et les négociations commerciales.

Le MERCOSUR et l'alliance stratégique entre l'Argentine et le Brésil: une expérience de deux décennies

Depuis sa création, le "MERCOSUR s'est enraciné sur l'alliance stratégique que les deux principales économies sud-américaines, l'Argentine et le Brésil, ont progressivement tissée à partir de 1986, avec les accords bilatéraux conclus par les présidents RaUl Alfonsin et José Sarney.

Après deux décennies de construction, l'alliance stratégique entre ces deux pays apparaît solide dans son essence. Elle dispose de racines profondément ancrées dans l'histoire et la géographie. L'expérience accumulée au cours de ces années offre de nombreuses leçons qui, bien exploitées, permettraient de poursuivre sa construction, prenant en compte les opportunités et les défis que le phénomène de la globalisation [8] présente à chacun des deux pays - dans son expression la plus simple de réduction des barrières spatiales entre les nations au niveau planétaire et d'augrnentationsubstantielle de la perméabilité de toute société à l'influence des facteurs extérieurs [9].

Comme cela a été précédemment souligné, il s'agit d'une alliance qui doit faire face actuellement à une conjoncture difficile du fait, notamment, des défis auxquels sont confrontées les économies de ces deux pays, et tout particulièrement l'Argentine, et qui exigent des adaptations créatives au sein du MERCOSUR.

L'ancien ministre des Affaires étrangères du gouvernement Cardoso, Celso Lafer, analyse deux dimensions de la trajectoire commune des deux principales nations de l'espace sud-américain par leur taille et leur capacité d'attraction [10].

Une première dimension porte sur les fotces profondes qui ont suscité l'idée de construire une alliance stratégique entre ces deux pays, avec l'appui constant de leurs opinions publiques respectives. En étudiant, dans l'histoire du XXe siècle, les initiatives ayant conduit d'abord au programme bilatéral d'intégration entre l'Argentine et le Brésil et ensuite à la création du MERCOSUR, C. Lafer constate en s'inspirant de Bobbio, que l'histoire ne se reproduit pas ex novo tous les dix ans. Elle est, au contraire, la conséquence d'un processus d'accumulation d'expériences à travers les années. Pour illustrer ses propos, il souligne le chemin balisé des pensées d'illustres Brésiliens qui se sont prononcés en faveur d'une relation spéciale entre les deux nations à l'instar d'un Rui Barbosa [11] et d'un Baron de Rio Branco promouvant le Traité de cordiale intelligence entre l'Argentine, le Brésil et le Chili -l'ABC- comme instrument permettant de garantir la paix et de stimuler le progrès de l'Amérique du Sud. Outre l'impulsion politique de leaders du calibre de Roca et de Campos Salles à l'aube du XXe siècle, et de Kubistscek et Frondizi durant les années 1950, ce chemin fut également nourri par des antécédents lointains.

Le maintien de cette orientation stratégique, tracée à partir de la deuxième moitié des années 1980 et poursuivie avec la création du MERCOSUR, semble être la principale leçon qui peut être tirée de ces deux décennies, comme cela a été le cas pour la construction européenne qui débuta durant les années 1950.

Une alliance stratégique solide et transcendante ne peut s'expliquer ni se rompre par une conjoncture. Elle s'envisage à long terme et tire progressivement sa source du leadership politique et de la participation active des sociétés respectives. il s'agit avant tout d'un projet culturel qui agit sur les valeurs et l'imaginaire collectif des peuples concernés. Par conséquent, on ne devrait pas revenir constamment sur un débat "existentiel" portant sur le sens du projet commnn, m,us bien sur nn débat "instrumental" qui s'interroge sur les meilleurs moyens de concrétiser le projet à travers le temps et tenant compte des changements naturels de circonstances tant extérieures qu'intérieures. Celles-ci ayant souvent été le résultat des effets engendrés par le processus d'intégration lui-même.

Une deuxième dimension de la trajectoire commnne se réfère à la gestion des conjonctures dans le cadre du projet d'intégration, surtout quand elles sont porteuses de grandes difficultés voire même d'effets centrifuges potentiels. Cela implique, sur base d'nne alliance solide répondant à des forces profondes qui agissent en faveur de l'intégration de la région, nne gestion habile des défis qui se présentent à nn MERCOSUR ouvert au monde et à la construction d'nn espace sudaméricain dans lequel prédominent la paix, la stabilité, la démocratie et, en conséquence, le progrès et le bien-être de ses populations.

Le MERCOSUR a déjà acquis la dimension supeneure d'nne politique d'Etat lancée depuis les années 1980, et jusqu'à présent ininterrompue, par les présidents de l'Argentine et du Brésil dans nn cadre de légitimité démocratique. Comme l'indique C. Lafer, il ne s'agit pas d'nn simple "contrat commercial" mais au 'ton traire d'nn contrat multidimensionnel, social, politique et culturel, préservant les identités nationales respectives, et dont l'axe fondamental réside dans l'objectif commnn de la construction d'nn cadre régional -favorable à la consolidation des processus démocratiques, à nne modernisation économique visant nne plus grande cohésion sociale, et à la mise en place d'une plateforme efficace pour mieux négocier et faire face à la concurrence hémisphérique et globale.

Il s'agit donc d'un pacte volontaire entre nations souveraines, ayant pour objectif de perdurer, et construit à partir, non pas d'une hypothétique rationalité supranationale, mais des intérêts nationaux respectifs, insérés de manière dynamique dans la perspective de la définition d'objectifs, de règles du jeu et de disciplines communs.

La combinaison d'une vision du futur, d'une solidarité face aux problèmes que chaque pays doit affronter et les adaptations créatives par rapport aux règles du jeu librement consenties constituent les éléments centraux d'une politique permettant de garantir à travers le temps la construction d'une alliance binationale et d'affronter les défis que les pays du MERCOSUR devront relever dans l'avenir, surtout en ce qui concerne l'agenda extérieur.

Il s'agit donc d'une tâche de longue haleine qui exige de reconnaître que, dans un monde globalisé, les intérêts de chaque membre ne s'épuisent dans aucune alliance, même au sein de celles qui semblent plus privilégiées, mais. s'insèrent dans un cadre large et varié de relations extérieures avec un grand nombre de pays et de régions. Cela a toujours été très clair, l'alliance entre l'Argentine et le Brésil n'est ni exclusive ni excluante - à l'instar de l'alliance stratégique qui existe entre les nations membres de l'UE. Il s'agit d'une partie significative du réseau d'alliances extérieures qui exigent un caractère de compatibilité de manière continue et dynamique.

Si la politique extérieure réside en l'art de traduire les nécessités internes en possibilités externes, l'exercice commun de cet art entre une paire ou un groupe de pays~ atteint des niveaux de grande complexité et attend des protagonistes une stature intellectuelle et politique particulière. Cela suppose le développement commun d'une méthodologie de concertation particulièrement soucieuse de la forme et du contenu. Dans des pays à régime présidentiel, comme l'Argentine et le Brésil, cela suppose également un degré de communication et de confiance réciproque entre les présidents, ainsi qu'entre les secteurs dirigeants des deux pays.

Les agendas extérieurs comme facteur d'incitation et de renforcement de l'alliance stratégique

Les actuels présidents argentin et brésilien sont confrontés à des défis très similaires en ce qui concerne leur agenda de politique extérieure. Ceci pourrait constituer un facteur favorable au renforcèment de l'esprit et de la logique d'intégration entre les deux pays; une forme de noyau dur de la construction d'un espace sud-américain de paix, de stabilité et de démocratie.

Cela pourrait également engendrer d'importantes dissensions qui résulteraient d'approches, de perceptions et de stratégies divergentes par rapport à des situations concrètes. Des intérêts opposés pourraient surgir, comme cela s'est déjà produit à plusieurs reprises dans le cas européen. Mais ceux-ci ne devraient pas nécessairement mener à une remise en cause de l'essence même de l'alliance stratégique qui alimente politiquement le MERCOSUR.

Ces divergences pourraient découler de facteurs conjoncturels et structurels qui différencient les deux pays quant à leur insertion internationale. Ainsi, dans les prochaines années, l'Argentine va devoir renégo cier sa dette extérieure à partir de sa situation de défaut de paiement qui pèsera durant un temps sur sa crédibilité internationale et sur sa vulnérabilité financière extérieure. En outre, il est probable que le Brésil, pour des raisons de voisinage, suive avec plus d'attention l'évolution du conflit colombien - et éventuellement d'autres pays de "l'arc andin". Il lui sera difficile d'éviter que ce genre de conflit n'ait pas de croissantes connotations internes.

Les intérêts divergents potentiels rendent plus nécessaire encore le développement d'un climat de loyauté et de confiance réciproque ainsi que la valorisation de la connaissance mutuelle entre les protagonistes concernés de chacune des sociétés civiles, afin d'éviter que ne se produise entre les membres des effets centrifuges qualifiés par l'ancien président Cardoso de " dissonance cognitive" (distance entre une réalité et la connaissance dominante sur celle-ci). A ce propos, le MERCOSUR pourrait s'inspirer de l'expérience européenne en matière de connexion entre les sociétés civiles respectives et, en particulier, sur le plan académique et culturel. Par ailleurs, il est possible de cerner les éléments communs qui domineront les agendas des deux grands membres du bloc. Pour le moins, quatre grands thèmes retiendront l'attention de Brasilia et de Buenos Aires durant les quatre prochaines années, c'est-à-dire durant les périodes d'élections présidentielles qui ont débuté en 2003.

Le premier thème majeur est lié à l'agenda post 11 septembre 2001 et à l'après guerre en Irak ainsi qu'au renforcement de l'action multilatérale dans le système international, tant sur le plan financier que sur celui de la sécurité. Certaines questions réclameront des réponses intelligentes, exprimées en terme de politique extérieure efficace et pourvues d'un degré de concertation élevé.

Quelques unes d'entre elles se réferent au thème de la violence et de la sécurité sur le plan international. Les problèmes suivant sont les lus saillants: comment préserver un espace suffisamment large pour l'action des institutions multilatérales dans un système international qui s'oppose à une tendance croissante à l'unilatéralisme, surtout de la part de la principale puissance mondiale? Comment faire en sorte que les réponses multilatérales, basées sur une attitude responsable des grandes régions organisées, soient plus efficaces face aux défis que-les micropôles de violence - agissant souvent en réseaux. - posent à la gouvernance du système international. et à la viabilité de la démocratie?

D'autres questions portent sur le thème du financement international. A ce sujet, la question centrale serait: comment générer des politiques et des instruments multilatéraux qui permettraient de neutraliser les effets déstabilisateurs produits par la volatilité financière internationale dans les pays en développement?

Dans les deux cas, tant par rapport au problème de la sécurité internationale que par rapport à celui du financement extérieur, l'action commune des membres du MERCOSUR nécessitera l'établissement d'un haut degré de communication réciproque tant sur le plan interne qu'externe, et ce afin de gérer avec efficacité les situations critiques émergeant dans les pays d'Amérique du Sud et la région dans son ensemble.

Le deuxième grand thème porte sur la paix et la stabilité politique dans l'espace sud-américain. Il est incontestable que dans certains régimes politiques, tels que ceux de l'arc andin, les fractures sociales, actuelles ou potentielles, conduisent ou peuvent conduire à un questionnement violent de la légitimité démocratique [12].

A ce sujet deux questions prioritaires font surface: comment obtenir des réponses à la fois rationnelles et efficaces, selon la logique des valeurs démocratiques, pour des problèmes profondément enracinés sur le plan social? Comment faire pour que les démocraties les plus stables d'Amérique du Sud - en particulier l'Argentine, le Brésil et l'Uruguay - puissent apporter, de manière compréhensive et solidaire, des éléments à la solution des problèmes des pays voisins; problèmes qui pourraient à terme affecter le reste de la région. La solution à cette double équation sera d'autant plus difficile à apporter si la logique de la violence prédomine dans les réponses en provenance de l'hémisphère. La qualité et la franchise du dialogue avec les Etats-Unis, mais également avec l'UE, seront un élément décisif dans l'efficacité de l'action nécessaire pour renforcer les possibilités d'un espace sud-américain de paix, de stabilité politique et de démocratie.

Le troisième thème d'importance est lié aux négociations commerciales internationales auxquelles participeront activement les pays du MERCOSUR durant la période 2003-2004. Le Brésil prendra une responsabilité spéciale dans les négociations avec les Etats-Unis que ce soit dans le cadre du projet des Amériques ou du " 4+ 1 ", du fait de sa dimension économique et aussi du fait qu'il exerce avec Washington la coprésidence des négociations de la ZLEA durant la phase finale en cours. La tentation d'une entente bilatérale ne peut être ignorée et, le cas échéant, elle devrait être contrôlée. Mais avec l'Argentine et ses autres partenaires, le Brésil aura également la possibilité d'exercer une influence significative sur l'issue des négociations de l'OMC et surtout avec l'UE mais pas exclusivement - en matière d'accès au marché et des règles du jeu en ce qui concerne l'agriculture et les services. A ce propos subsiste une question essentielle, à savoir comment les négociations commerciales internationales actuelles pourront être conclues tout en engendrant des résultats satisfaisants pour les intérêts nationaux de chacun des pays de la région. La non-participation aux négociations ne semble pas constituer une option raisonnable, vu que certains pays et régions sont occupés à négocier et même de conclure des accords de libre-échange avec les Etats-Unis et l'UE. Le grand défi de ces deux prochaines années sera donc de négocier correctement, ce qui est loin d'être acquis étant donné les tendances protectionnistes que l'on continue d'observer dans les pays industrialisés, surtout en matière agricole.

Dès le départ, le MERCOSUR a privilégié une approche multipolaire, ce qui implique la prise en considération de tous les fronts de négociation, plus particulièrement ceux de l'OMC, de l'ALADI (Accord . latino-américain d'intégration), de la ZLEA et de l'UE. Il s'agit de négociations qui sont entrées en 2003 dans une phase de mise au point, ce qui exige le renforcement de la coordination gouvernementale et la participation de la société civile.

La négociation avec les Etats-Unis requiert une attention prioritaire. Les progrès atteints sur ce front inciteront les Européens à engager une réellè négociation avec le MERCOSUR. En outre, pour les questions plus sensibles propres aux pays du Cône Sud latino-américain - agriculture et défense commerciale - les négociations de l'OMC sont cruciales.

La ZLEA et le "4+1" constituent deux voies complémentaires dans les relations que le MERCOSUR entretient avec les Etats-Urus. En ce qui concerne la ZLEA, il est essentiel de prendre en considération le fait que la majorité des pays participants ont déjà signé entre eux des accords de libre-échange (ALE). C'est notamment le cas pour les EtatsUnis, comme l'atteste l'ALENA ou la signature d'un accord avec le Chili, l'Amérique centrale et les Carai.bes, sans parler des systèmes de préférences généralisés qu'ils entretiennent avec les pays andins. Le MERCOSUR a également des ALE - ou va bientôt les signer - avec les membres de l'ALADI. Dans ce 'réseau d'accords, la pièce fondamentale qui manque est celle qui lierait les Etats-Unis et le MERCOSUR. Dans cette hypothèse, l'aboutissement des négociations de la ZLEA impliquerait pour les pays qui, comme le Mexique et le Chili, sont liés par des accords avec les Etats-Unis, le Canada et les pays latino-américains, l'établissement de règles communes et, éventuellement, un approfondissement des préférences obtenues. Mais cela n'ajouterait guère plus à ce qui a déjà été atteint.

Il serait raisonnable pour le MERCOSUR d'accélérer la négociation avec les Etats-Unis dans le cadre du "4+1" et de participer simultanément à la construction de la ZLEA. Cela permettrait de mettre en œuvre une stratégie graduelle qui donnerait des résultats partiels mais équilibrés et laisserait pour la conclusion incertaine des négociations de la ZLEA des objectifs de haute importance dépendant des résultats du round de Doha. Il s'agit, par exemple, du cas des subsides agricoles.

Des négociations individuelles menées entre chaque pays du MERCOSUR et les Etats-Unis pourraient constituer une alternative au "4+1". Cette éventualité fut déjà avancée à différentes reprises par l'Argentine et par l'Uruguay [13]. Il s'agit d'nne tentation qui revient av.ec force et de manière récurrente au Brésil, même après la victoire de Lula, et même si, comparée à la négociation " 4+ 1 ", la formule de négociation individuelle ne présente pas d'avantages. Néanmoins il s'agit d'nne option qui risque d'acquérir plus de poids, particulièrement au Brésil, si les partenaires n'arrivent pas à élaborer une stratégie intelligente pour renforcer sérieusement et de manière crédible le MERCOSUR.

Le quatrième grand thème est lié au :MERCOSUR. Deux questions essentielles se dégagent: quel type d'alliance stratégique régionale mettra-t-on en place pour affronter non setÙement les fronts actuels de négociation, mais surtout les scénarios post-négociations commerciales prévisibles? Quels types de mécanismes et d'instruments permettront de construire un espace MERCOSUR à dimension sud-américaine [14] qui garantisse une préférence économique entre les membres, une certaine prévisibilité en ce qui concerne les règles du jeu, un niveau raisonnable de discipline collective et un cadre de bénéfices mutuels assurant sa viabilité dans le temps, sa crédibilité face aux investisseurs et aux pays tiers, ainsi que sa légitimité auprès des différentes sociétés civiles?

Comme nous l'avons déjà constaté en début d'article, la situation actuelle du :MERCOSUR se caractérise par un certain manque de crédibilité en ce qui concerne son efficacité voire même son devenir.

Il semble que le retournement de cette tendance soit devenu prioritaire dans l'agenda commun de l'Argentine et du Brésil. A cet effet, placer la construction du :MERCOSUR et son adaptation aux nouvelles réalités dans la perspective des demandes émanant du cadre de la sécurité et du financement extérieur de l'évolution de "l'agenda 11 septembre ", comme dans celle des éventuels scénarios post-négociations commerciales internationales, permettrait le développement d'approches réalistes orientées vers le futur. Ces approches devraient encoùtager la créativité conceptuelle et instrumentale, ainsi qu'une hétérodoxie raisonnable dans le cadre de la permissivité qu'offrent les compromis internationaux pris par les pays du MERCOSUR.

L'importance d'un leadership politique collectif

En ce qui concerne les quatre grands thèmes susmentionnés qui d'ailleurs ne seront pas les seuls pertinents - les actuels gouvernements de l'Argentine et du Brésil devront faire montre de qualités pour exercer un leadership individuel et collectif. De leur créativité et de leur efficacité va dépendre dans une grande mesure la capacité à démontrer que les démocraties d'Amérique du Sud peuvent travailler ensemble et de manière systématique. Une telle collaboration devrait constituer un facteur décisif dans la construction d'un espace sud-américain de stabilité et dans la perception dont ces démocraties font l'objet en tant qu'acteurs de poids dans la région.

Le leadership politique collectif signifie bien plus que la traditionnelle diplomatie présidentielle. Il implique d'élaborer ensemble une voie vers un horizon viable reflétant les intérêts communs des membres et d'avoir la capacité de mobiliser les sociétés au profit d'objectifs privilégiés. En outre, il s'agit d'être 'capable de générer un consensus entre les membres et dans leurs opinions publiques respectives afin d'obtenir le soutien social suffisant et la légitimité nécessaire à la voie ainsi tracée.

Les prochains mois permettront d'apprécier à travers les positions concrètes - non seulement rhétoriques - si le nouveau leadership présidentiel des deux grands pays du MERCOSUR aura la capacité d'élaborer des réponses collectives à la mesure des défis. Le plus grand étant probablement celui qui concerne la conciliation entre les demandes respectives internes de chaque société et les demandes émanant de l'environnement régional et mondial. D'autant plus que ce voisinage continuera très certainement à être conditionné par l'incertitude et la volatilité, tant politique que financière, et par les tendances protectionnistes des pays industrialisés, difficiles à maîtriser.

Pour ce qui a trait aux relations bilatérales entre l'Argentine et le Brésil, le principal défi sera de créer un climat de confiance et de loyauté réciproque qui ne pourra se construire qu'à travers une réelle connais sance des intérêts communs et des différences naturelles qui peuvent exister sur le plan des relations internationales. La responsabilité qui attend les nouveaux présidents consiste à maximiser ce qui unit les deux pays et à neutraliser les effets dérivés d'approches parfois différentes. L'incorporation active du Chili en tant que membre à part entière d'un MERCOSUR avec une pratique à la fois flexible et prévisible, en particulier en ce qui concerne le tarif extérieur commun, sera une contribution efficace pour le développement des agendas externes respectifs des quatre prochaines années.

Des questions en suspens

Sur le plan des négociations commerciales internationales, certaines questions sont en attente des réponses qui émergeront des actions concrètes des nouveaux gouvernements. L'une d'elles consiste à se demander si le MERCOSUR pourra dépasser les difficultés actuelles et préserver, non seulement, la possibilité de pouvoir négocier en tant que bloc - ce qui suppose de résoudre, entre autres, le problème de son tarif extérieur commun - mais aussi son identité dans un espace hémisphérique de libre-échange.

Pour y répondre il est nécessaire de passer en revue les scénarios possibles du MERCOSUR, notamment son insertion dans la ZLEA et ses relations avec l'UE. Cet exercice est pertinent pour deux raisons.

Premièrement, suite à la réunion ministérielle de la ZLEA à Quito et le triomphe républicain lors des élections parlementaires nordaméricaines en novembre 2002, il est possible d'imaginer que l'administration Bush intensifiera le rythme des négociations du projet des Amériques. Le cas échéant, ceci aurait des répercussions dans la stratégie de négociation de l'UE avec le MERCOSUR. Bien que l'avancement des deux fronts dépendra des négociations agricoles à l'OMC, la cohésion qui sera atteinte entre les actuels gouvernements argentin et brésilien ainsi qu'avec les autres membres, revêtira également une grande importance.

Deuxièmement, face à la stagnation actuelle du MERCOSUR, on perçoit une volonté politique visant à faire de ce bloc une plateforme capable d'affronter la concurrence et les négociations mondiales. C'est du moins ce qui ressort de la rencontre entre les présidents Lula et Duhalde de janvier 2003. L'élection de Kirchner en Argentine à la mi-2003 a permis de continuer sur la voie de l'approfondissement du MERCOSUR. De ce nouveau contexte ont émergé de nouvelles directives qui visent à résoudre les conflits commerciaux en cours et à prendre des initiatives tant au niveau social que sur le plande la coordination macroéconomique.

Trois scénarios peuvent, à tout le moins, être envisagés pour l'avenir du MERCOSUR. Le premier repose sur la stratégie originelle de l'association. Il s'agirait d'un MERCOSUR qui, en dépassant ses limitations, réussirait à développer un espace économique commun - sur le long terme, une union économique et monétaire, concrétisant en 2005 sa participation dans la ZLEA ou, comme variante, un accord "4+1" avec les Etats-Unis - et concluant l'accord interrégional avec rUE. C'est ce scénario qui a été privilégié jusqu'à présent. Il dépend du leadership politique et de l'imagination technique avec lesquels seront appréhendées les carences actuelles tant par rapport à la qualité institutionnelle que par rapport à la discipline collective entre les membres. L'approche flexible
d'une union douanière à géométrie variable et à plusieurs vitesses devrait faciliter l'adhésion pleine et entière du Chili dans une échéance raisonnable.

Il s'agit d'un scénario qui pourrait être facilité par un leadership constructif mené par les Etats-Unis, qui valoriserait l'approfondissement du MERCOSUR pour la stabilité démocratique en Amérique du Sud. Ce serait reconnaître un rôle significatif à l'arc andin par rapport au noyau dur des démocraties consolidées en Argentine, au Brésil, au Chili et en Uruguay. Cela pourrait conduire à développer l'idée originale du "4+1 " comme pièce nécessaire à la construction d'une ZLEA acceptable, ce qui permettrait d'éviter les remises en question de la légitimité du projet de libre-échange hémisphérique. La valeur politique d'un MERCOSUR de qualité réside dans sa capacité à concilier les tensions culturelles et politiques entre globalisation et identité nationale. Ce scénario, possible et souhaitable, dépend d'une volonté et d'un leadership politiques.

Le deuxième scénario est celui de la dilution du MERCOSUR dans la ZLEA ou dans un projet alternatif dont les Etats-Unis formeraient l'épicentre. Il suppose la transformation du MERCOSUR en une zone de libre commerce ou le glissement de facto vers une situation de blocage des problèmes critiques des membres, incluant sa dilution formelle en ce qui concerne sa composante commerciale préférentielle. Ce scénario pourrait être complété par des accords bilatéraux conclus par les pays du MERCOSUR tant avec les Etats-Unis qu'avec l'UE. Ce scénario affaiblirait la capacité négociatrice des membres du bloc sud-américain, Brésil inclus, par le déséquilibre entre les négociateurs. En outre, il comporte le risque d'une remise en question de la part de certains pays du MERCOSUR, engendrant des conséquences politiques. Toutefois il pourrait s'avérer bénéfique pour les forces centrifuges que l'on observe en Amérique du Sud. Il s'agit d'un scénario possible et même probable, mais moins souhaitable que le premier.

Finalement, un troisième scénario imaginable est celui d'un MERCOSUR qui continue dans son inertie actuelle, voire avec des amé"liorations cosmétiques, ou encore un bloc renforcé, mais refusant toute négociation raisonnable avec les Etats-Unis et l'UE. Cela équivaudrait à un MERCOSUR introverti et protectionniste, incompatible avec ses principes fondateurs et avec les engagements pris. Il s'agirait d'un tout autre MERCOSUR inconciliable avec les réalités politiques et économiques de ses membres. Dans la pratique, il pourrait conduire au scénario de sa dilution dans lequel certains de ses membres actuels choisiraient d'autres chemins plus en phase avec leurs besoins respectifs. Ce scénario n'est guère souhaitable.

Plus de dix ans après la création du MERCOSUR, un libreéchange hémisphérique et un accord avec l'UE définissent le scénario le plus avantageux durant l'étape fondatrice du bloc sud-américain. Ces initiatives se révèlent complémentaires et s'épaulent mutuellement dans le cadre multipolaire et équilibré de l'OMC Un tel scénario a de fortes chances de l'emporter dans la réalité.

BIBLIOGRAPHIE

Hugueney Filho C, Cardirn C H. (coord.), 2002, Grupo de reflexâo Prospectiva sobre o Mercosul, Brésil, MRE/BID/IPRI/Funag.

Lafer C, 2002, "Mudam-se os tempos ", Brésil, FUNAG/IPRI.

Peña F., 2002 (1), "Reflexiones sobre el MERCOSUR y su futuro", in Hugueney Filho C, Cardirn C. H. (coord.), Grupo de Reflexâo Prospectiva sobre o MERCOSUL, Brésil, MRE/BID/IPRI/Funag, pp. 271 et sq.

Peña F., 2002 (2), "La Argentina y el Brasil, hoy ", in Rocha D'Angelis W. (coord.), Direito da Integraçao, Brésil, Jurúa Editora.

Peña F., 2003 (1), "La cuestión de la efectividad de las reglas de juego en el MERCOSUR", rapport réalisé pour la Red MERCOSUR et la Fundaciôn Konrad Adenauer (sous presse).

Peña F., 2003 (2), "La agenda internacional del próximo Presidente argentino", Boletin del Real Instituto Elcano, Argentine, avril.



NOTAS

[1] F. Pena, 2002 (1), p. 280.

[2] C Hugueney Filho, CH. Cardim, 2002.

[3] Cf. l'article de Christian Deblock et Sylvain F. Turcotte sur la ZLEA dans le présent numéro.

[4] F. Pena, 2003 (1).

[5] Cf. l'article de Claudio Jedlieki sur le Chili dans le présent numéro.

[6] Cf. l'article de Dorval Brunelle sur l'ALENA dans le présent numéro.

[7] F. Peña, 2003(2).

[8] Cf. l'article de Sebastian Santander sur "Globalisation, gouvemance et logiques régionales dans les Amériques" dans le présent numéro.

[9] F. Peña, 2002"pp. 45 et sq.

[10] C. Lafer, 2002, pp. 147 et sq.

[11] Selon Rui Barbosa " les antagonismes appannts se résolvent par des concessions mutuelks[. . .J et ces demièns constituent les conditions dans lesquelles peuvent se dévelapper, parallilement et en coupEration, l'Argentine et le Brésil, et il n'est pas ja/locieux que de penser que tout les rapproche, et que seulement une interprétation superficielle de leurs besoins mpectifs peut les désunir" (cité par C. Lafer, 2002).

[12] Cf. l'article d'Alan Fairlie sur la CAN dans le présent numéro.

[13] Cf. l'article de Lincoln Bizzozero et Sebastian Santander dans le présent numéro, sur les dilemmes, doutes et difficultés que l'Uruguay rencontre pour faire son choix· entre une politique de cavalier seul ou un engagement ferme au sein du MERCOSUR de négocier en tant que bloc la ZLEA et d'autres accords internationami de cette catégorie.

[14] Cf. l'article d'Andrés Serbin dans le présent numéro, sur la construction d'un espace sud-américain sur base d'un MERCOSUR élargi au reste du Cône Sud latina-américain.



Félix Peña es Director del Instituto de Comercio Internacional de la Fundación ICBC; Director de la Maestría en Relaciones Comerciales Internacionales de la Universidad Nacional de Tres de Febrero (UNTREF); Miembro del Comité Ejecutivo del Consejo Argentino para las Relaciones Internacionales (CARI). Miembro del Brains Trust del Evian Group. Ampliar trayectoria.

http://www.felixpena.com.ar | info@felixpena.com.ar


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