Pourvu de nouveaux gouvernements dans trois de ses pays membres - incluant
les plus importants du point de vue du poids économique - on est
en droit de se demander si le MERCOSUR n'est pas en train d'inaugurer
une nouvelle étape de son développement, après avoir
connu une longue période d'incertitude et de stagnation.
Les déclarations claires du président Lula quant à
l'importance que le Brésil attribue au MERCOSUR constituent des
signaux positifs en faveur le l'avenir du projet commun d'intégration
avec l'Argentine, le . Paraguay et l'Uruguay. Toutefois, si l'on cherche
à établir des éléments objectifs favorables
à la crédibilité du MERCOSUR aux yeux des citoyens,
investisseurs et pays tiers, ces déclarations doivent encore se
voir traduites par des propositions concrètes. Ces propositions
devraient refléter une réelle volonté politique de
la part des partenaires, et plus particulièrement des deux plus
grands, à respecter leurs engagements volontaires et à mettre
fin à la tendance récurrente des pratiques unilatéc
raIes qui transgressent ou faussent ces engagements. Autrement dit, le
MERCOSUR ne parviendra à recouvrer sa crédibilité
que dans la mesure où les faits pourront démontrer qu'il
est déterminé par des règles qui sont respectées
(rule-oriented process) [1].
La question préalablement posée fait sens pour, tout au
moins, deux motifs. D'abord, parce que l'on constate dans les quatre pays
membres la tenue d'un débat récurrent sur le futur du :MERCOSUR
[2]. Ensuite, parce que c'est de la portée et de la qualité
des méthodologies et des instruments d'intégration utilisés
ultérieurement que dépendra la capacité du groupe
régional de constituer un cadre efficace à la transformation
productive de chaque partenaire et de fonctionner en tant que plate-forme
permettant de mieux prendre part à la concurrence et aux négociations
internationales.
Un débat nécessaire
Le MERCOSUR a-t-il un avenir? Le cas échéant, à
quelles méthodologies de l'intégration devrait-on recourir
quant à sa construction future? Comment le groupement régional
développera-t-il ses relations avec d'autres processus de libéralisation
commerciale auxquels participent ses membres? En particulier dans le cadre
des négociations de la Zone de libre-échange des Amériques
(ZLEA) [3] ou du "4+1" , MERCOSUR-Etats-Unis? Comment potentialiser
les résultats déjà engrangés - tant au niveau
commercial que politique - et comment profiter des leçons tirées
des expériences antérieures? Comment tendre à plus
d'efficacité en matière de concurrence et de négociation
sur le plan international ?
Ces différentes questions sont actuellement débattues avec
une intensité croissante dans les pays membres. Il s'agit d'un
débat positif et opportun. Positif car il est salutaire de soumettre
à la critique constructive un processus politique et économique
qui influe sur la qualité de l'insertion internationale de chacun
des pays membres et qui, durant ces dernières années, a
montré de sérieuses imperfections. Opportun dans la mesure
où il coïncide avec de nouvelles périodes gouvernementales
dans trois pays du :MERCOSUR (Argentine, Brésil et Paraguay), avec
l'avancée de négociations complexes et aux résultats
incertains quant à leurs conclusions au sein de l'Organisation
Mondiale du Commerce (OMC), de la ZLEA, ainsi qu'avec l'Union eùropéenne
(DE), et, enfin, avec la mise en place d'un agenda de sécurité
internationale (globale et régionale) qui éprouve la capacité
des membres à articJ.Ùer leurs visions et intérêts
au niveau extérieur. Particulièrement dans leur relation
avec les Etats-Unis. L'expérience de l'UE lors de la récente
guerre en Irak démontre qu'il est malaisé de concilier les
politiques étrangères des différents Etats membres
d'un même espace d'intégration économique.
Deux facteurs au moins favorisent ce débat. D'une part, la perception
selon laquelle, malgré les importants résultats engrangés
au cours des deux dernières décennies - c'est-à-dire
à partir du lancement en 1986 du Programme d'intégration
bilatérale entre l'Argentine et le Brésil qui débouchera
ensuite sur sa création - la situation du MERCOSUR est loin d'être
positive. Ce dernier connaît un problème de crédibilité
tant interne qu'externe suscité par la mauvaise situation économique
qui, à partir de 1998, affectera ses membres (aggravée récemment
par la crise argentine et; en outre, par le comportement de l'économie
brésilienne) et qui influera sur la détérioration
des échanges commerciaux ainsi que sur les stratégies menées
par les entreprises dans des secteurs d'importance comme celui de l'automobile.
Ce problème est également dû à la piètre
qualité des règles du jeu qui n'ont guère contribué
à générer un horizon prévisible pour les investisseurs.
D'ailleurs, nombreuses sont les règles qui bien que formellement
adoptées, ne sont jusqu'à présent pas encore entrées
en vigueur. En outre, il arrive régulièrement que les engagements
juridiques émanant du Traité d'Asunci6n ne soient pas respectés
[4].
D'autre part, le débat a été suscité du fait
que, dans son état actuel, le MERCOSUR ne constitue pas un instrument
totalement efficace pour la transformation productive, la compétitivité
internationale et les négociations commerciales entre les membres.
Bien qu'il ne soit pas responsable des sérieux problèmes
économiques rencontrés par certains pays du bloc, le MERCOSUR
n'a guère contribué à en contrecarrer ou à
en atténuer les effets.
Un débat à deux dimensions
Deux dimensions émergent dans le débat actuel. L'une est
existentielle, l'autre méthodologique ou instrumentale.
Le caractère existentiel se réfère au sens stratégique
du travail commun, systématique et permanent entre les membres.
il est lié à l'opportunité d'impulser une stratégie
d'intégration - pas seulement économique - entre les quatre
partenaires et élargie au Chili. Rares sont ceux qui mettent en
question cette idée, et ceux qui le font proposent deux options
non exclusives entre elles. La première est celle d'une stratégie
d'insertion internationale individuelle mise en place par le truchement
d'accords commerciaux bilatéraux avec d'autres entités,
notamment avec les Etats-Unis et l'UE. Cette approche correspondrait à
celle adoptée par le Chili [5]. La deuxième consiste à
privilégier une alliance stratégique avec les Etats-Unis
qui aurait pour conséquence l'adoption d'un accord de libre commerce
bilatéral ou l'incorporation à l'Accord de libreéchange
nord-américain (ALENA) [6]. Dans les deux cas, ces propositions
auraient pour effet d'abandonner le MERCOSUR ou de le transformer en une
simple zone de libre commerce, voire de le diluer dans la ZLEA ou encore
de le limiter à sa seule dimension politique. Les hypothèses
concernant ce sujet ont souvent tendance à négliger les
effets juridiques - droits acquis par ceux qui ont investi sur base du
MERCOSUR formellement promis - ou de politique commerciale: si l'on décidait
de revenir à une simple zone de libre-échange, les parties
.devraient renégocier la libéralisation douanière
précédemment réussie, qui suppose l'existence d'un
tarif extérieur commun ainsi que la mise en place ultérieure
d'un marché commun, et négocier les règles d'origine
spécifiques. Quant à leurs effets sur la crédibilité
internationale, pourquoi faudrait-il croire aux engagements qui seraient
pris dans le futur par des pays qui n'ont pas réussi à respecter
les compromis antérieurs?
Les gouvernements actuels ont réitéré la nécessité
d'approfondir la stratégie d'insertion dans le monde à travers
le renforcement du MERCOSUR tel qu'il fut conçu à l'origine
- à partir de l'établissement d'une union douanière,
la construction graduelle d'un marché conunun, ouvert au monde
à travers les négociations au sein de l'OMC, avec les Etats-Unis
et l'UE. C'est la position qui a été adoptée par
le président Lula au Brésil.
Le nouveau gouvernement argentin a annoncé qu'il suivrait cette
même ligne de conduite, qui fut d'ailleurs celle adoptée
dans les faits sous les législatures respectives de Carlos Menem,
Fernando de la Rua et Eduardo Duhalde [7]. Soulignons que, dans le débat
existentiel, il arrive qu'une certaine réalité soit omise
par l'honune d'Etat lors de la prise de décision. Il s'agit du
fait que le MERCOSUR est bien plus qu'un processus d'intégration;
c'est le nom d'une région qui coexistera avec ses pays membres
même si les engagements du Traité d'Asunci6n venaient à
disparaître. Les décideurs politiques ne peuvent sous-estimer
l'impact politique et économique issu de la principale réussite
de l'association: le développement d'un espace de paix et de coopération
entre des nations contiguës irradiant l'Amérique du Sud de
ses bienfaits. Il est acquis que pour ces nations, l'alternative à
la logique de l'intégration est celle de la fragmentation. En ce
sens, l'expérience européenne est édifiante. La dilution
du MERCOSUR pourrait occasionner des effets incalculables sur la stabilité
de l'Amérique du Sud. Cette réalité est également
perçue par les opinions publiques des quatre pays membres qui continuent
de se manifester en faveur de l'aspect stratégique du MERCOSUR,
bien qu'elles désavouent les méthodologies de l'intégration
suivies ces dernières années.
La dimension méthodologique ou instrwnentale est également
liée aux méthodes utilisées pour développer
le MERCOSUR, incluant les mécanismes de décision, les techniques
d'intégration de marchés - union douanière ou zone
de libre-échange - et la qualité des règles du jeu.
Actuellement, c'est cette dernière dimension qui demande le plus
d'attention.
Il serait intéressant d'approfondir le débat au sujet des
quatre piliers de base du processus portant sur la nature du MERCOSUR.
Ces derniers se retrouvent également dans d'autres espaces régionaux
qui cherchent à intégrer de manière systématique
et permanente leurs marchés respectifs, quelles que soient les
techniques utilisées pour réaliser l'objectif poursuivi,
comme par exemple une zone de libre-échange ou une union douanière.
Ces piliers pourraient être résumés de la manière
suivante comment renforcer la confiance et la loyauté entre les
membres en se basant sur des Întérêts et des bénéfices
mutuels; comment approfondir le principe de la préférence
économique tout en demeurant conforme à l'article XXIV du
GATT-1994 (article qui définit de manière large et ambiguë
les conditions à remplir tant par les zones de libre-échange
que par les unions douanières); comment garantir un minimum de
discipline collective par rapport à des règles du jeu qui
soient tant prévisibles, c'està-dire respectées,
que flexibles, autrement dit qui permettent des adaptations en fonction
des changements de la réalité ou de l'urgence; et enfin,
comment perfectionner les méthodes de coordination des intérêts
et de résolution des conflits commerciaux à partir d'une
meilleure organisation interne de chaque membre pour la participation
au processus d'intégration?
Un débat sérieux sur la dimension méthodologique
et instrumentale du MERCOSUR, qui se traduirait en décisions politiques
viables, permettrait d'évacuer les doutes existentiels et de mettre
un terme à l'actuelle crise de crédibilité. Il serait
possible, le cas échéant, d'atteindre l'objectif original,
à savoir développer un contexte favorable à la résolution
des multiples défis internes et externes auxquels les membrés
sont continuellement confrontés. A l'évidence, un MERCOSUR
efficace et crédible nécessite une forte dose de leadership
politique et d'imagination technique.
Pour que le débat sur les futures méthodologies de la construction
du MERCOSUR puisse déboucher sur des résultats concrets
- tirant profit des avancées faites et des leçons engrangées
par deux décennies d'intégration - il ne doit pas seulement
porter sur les négociations commerciales en cours (OMC, ZLEA, UE)
mais également - et surtout - sur la nécessité pour
les membres de se préparer à la concurrence issue des espaces
économiques impliqués dans de telles négociations.
L'avenir du MERCOSUR va dorénavant se définir en fonction
de deux axes à caractère politique. Alors que le premier
porte sur l'intensité et la qualité de l'alliance stratégique
entre l'Argentine et le Brésil, le deuxième est lié
aux agendas extérieurs qui occuperont les quatre membres, en particulier
en ce qui concerne la sécurité internationale et les négociations
commerciales.
Le MERCOSUR et l'alliance stratégique entre l'Argentine et
le Brésil: une expérience de deux décennies
Depuis sa création, le "MERCOSUR s'est enraciné sur
l'alliance stratégique que les deux principales économies
sud-américaines, l'Argentine et le Brésil, ont progressivement
tissée à partir de 1986, avec les accords bilatéraux
conclus par les présidents RaUl Alfonsin et José Sarney.
Après deux décennies de construction, l'alliance stratégique
entre ces deux pays apparaît solide dans son essence. Elle dispose
de racines profondément ancrées dans l'histoire et la géographie.
L'expérience accumulée au cours de ces années offre
de nombreuses leçons qui, bien exploitées, permettraient
de poursuivre sa construction, prenant en compte les opportunités
et les défis que le phénomène de la globalisation
[8] présente à chacun des deux pays - dans son expression
la plus simple de réduction des barrières spatiales entre
les nations au niveau planétaire et d'augrnentationsubstantielle
de la perméabilité de toute société à
l'influence des facteurs extérieurs [9].
Comme cela a été précédemment souligné,
il s'agit d'une alliance qui doit faire face actuellement à une
conjoncture difficile du fait, notamment, des défis auxquels sont
confrontées les économies de ces deux pays, et tout particulièrement
l'Argentine, et qui exigent des adaptations créatives au sein du
MERCOSUR.
L'ancien ministre des Affaires étrangères du gouvernement
Cardoso, Celso Lafer, analyse deux dimensions de la trajectoire commune
des deux principales nations de l'espace sud-américain par leur
taille et leur capacité d'attraction [10].
Une première dimension porte sur les fotces profondes qui ont
suscité l'idée de construire une alliance stratégique
entre ces deux pays, avec l'appui constant de leurs opinions publiques
respectives. En étudiant, dans l'histoire du XXe siècle,
les initiatives ayant conduit d'abord au programme bilatéral d'intégration
entre l'Argentine et le Brésil et ensuite à la création
du MERCOSUR, C. Lafer constate en s'inspirant de Bobbio, que l'histoire
ne se reproduit pas ex novo tous les dix ans. Elle est, au contraire,
la conséquence d'un processus d'accumulation d'expériences
à travers les années. Pour illustrer ses propos, il souligne
le chemin balisé des pensées d'illustres Brésiliens
qui se sont prononcés en faveur d'une relation spéciale
entre les deux nations à l'instar d'un Rui Barbosa [11] et d'un
Baron de Rio Branco promouvant le Traité de cordiale intelligence
entre l'Argentine, le Brésil et le Chili -l'ABC- comme instrument
permettant de garantir la paix et de stimuler le progrès de l'Amérique
du Sud. Outre l'impulsion politique de leaders du calibre de Roca et de
Campos Salles à l'aube du XXe siècle, et de Kubistscek et
Frondizi durant les années 1950, ce chemin fut également
nourri par des antécédents lointains.
Le maintien de cette orientation stratégique, tracée à
partir de la deuxième moitié des années 1980 et poursuivie
avec la création du MERCOSUR, semble être la principale leçon
qui peut être tirée de ces deux décennies, comme cela
a été le cas pour la construction européenne qui
débuta durant les années 1950.
Une alliance stratégique solide et transcendante ne peut s'expliquer
ni se rompre par une conjoncture. Elle s'envisage à long terme
et tire progressivement sa source du leadership politique et de la participation
active des sociétés respectives. il s'agit avant tout d'un
projet culturel qui agit sur les valeurs et l'imaginaire collectif des
peuples concernés. Par conséquent, on ne devrait pas revenir
constamment sur un débat "existentiel" portant sur le
sens du projet commnn, m,us bien sur nn débat "instrumental"
qui s'interroge sur les meilleurs moyens de concrétiser le projet
à travers le temps et tenant compte des changements naturels de
circonstances tant extérieures qu'intérieures. Celles-ci
ayant souvent été le résultat des effets engendrés
par le processus d'intégration lui-même.
Une deuxième dimension de la trajectoire commnne se réfère
à la gestion des conjonctures dans le cadre du projet d'intégration,
surtout quand elles sont porteuses de grandes difficultés voire
même d'effets centrifuges potentiels. Cela implique, sur base d'nne
alliance solide répondant à des forces profondes qui agissent
en faveur de l'intégration de la région, nne gestion habile
des défis qui se présentent à nn MERCOSUR ouvert
au monde et à la construction d'nn espace sudaméricain dans
lequel prédominent la paix, la stabilité, la démocratie
et, en conséquence, le progrès et le bien-être de
ses populations.
Le MERCOSUR a déjà acquis la dimension supeneure d'nne
politique d'Etat lancée depuis les années 1980, et jusqu'à
présent ininterrompue, par les présidents de l'Argentine
et du Brésil dans nn cadre de légitimité démocratique.
Comme l'indique C. Lafer, il ne s'agit pas d'nn simple "contrat commercial"
mais au 'ton traire d'nn contrat multidimensionnel, social, politique
et culturel, préservant les identités nationales respectives,
et dont l'axe fondamental réside dans l'objectif commnn de la construction
d'nn cadre régional -favorable à la consolidation des processus
démocratiques, à nne modernisation économique visant
nne plus grande cohésion sociale, et à la mise en place
d'une plateforme efficace pour mieux négocier et faire face à
la concurrence hémisphérique et globale.
Il s'agit donc d'un pacte volontaire entre nations souveraines, ayant
pour objectif de perdurer, et construit à partir, non pas d'une
hypothétique rationalité supranationale, mais des intérêts
nationaux respectifs, insérés de manière dynamique
dans la perspective de la définition d'objectifs, de règles
du jeu et de disciplines communs.
La combinaison d'une vision du futur, d'une solidarité face aux
problèmes que chaque pays doit affronter et les adaptations créatives
par rapport aux règles du jeu librement consenties constituent
les éléments centraux d'une politique permettant de garantir
à travers le temps la construction d'une alliance binationale et
d'affronter les défis que les pays du MERCOSUR devront relever
dans l'avenir, surtout en ce qui concerne l'agenda extérieur.
Il s'agit donc d'une tâche de longue haleine qui exige de reconnaître
que, dans un monde globalisé, les intérêts de chaque
membre ne s'épuisent dans aucune alliance, même au sein de
celles qui semblent plus privilégiées, mais. s'insèrent
dans un cadre large et varié de relations extérieures avec
un grand nombre de pays et de régions. Cela a toujours été
très clair, l'alliance entre l'Argentine et le Brésil n'est
ni exclusive ni excluante - à l'instar de l'alliance stratégique
qui existe entre les nations membres de l'UE. Il s'agit d'une partie significative
du réseau d'alliances extérieures qui exigent un caractère
de compatibilité de manière continue et dynamique.
Si la politique extérieure réside en l'art de traduire
les nécessités internes en possibilités externes,
l'exercice commun de cet art entre une paire ou un groupe de pays~ atteint
des niveaux de grande complexité et attend des protagonistes une
stature intellectuelle et politique particulière. Cela suppose
le développement commun d'une méthodologie de concertation
particulièrement soucieuse de la forme et du contenu. Dans des
pays à régime présidentiel, comme l'Argentine et
le Brésil, cela suppose également un degré de communication
et de confiance réciproque entre les présidents, ainsi qu'entre
les secteurs dirigeants des deux pays.
Les agendas extérieurs comme facteur d'incitation et de renforcement
de l'alliance stratégique
Les actuels présidents argentin et brésilien sont confrontés
à des défis très similaires en ce qui concerne leur
agenda de politique extérieure. Ceci pourrait constituer un facteur
favorable au renforcèment de l'esprit et de la logique d'intégration
entre les deux pays; une forme de noyau dur de la construction d'un espace
sud-américain de paix, de stabilité et de démocratie.
Cela pourrait également engendrer d'importantes dissensions qui
résulteraient d'approches, de perceptions et de stratégies
divergentes par rapport à des situations concrètes. Des
intérêts opposés pourraient surgir, comme cela s'est
déjà produit à plusieurs reprises dans le cas européen.
Mais ceux-ci ne devraient pas nécessairement mener à une
remise en cause de l'essence même de l'alliance stratégique
qui alimente politiquement le MERCOSUR.
Ces divergences pourraient découler de facteurs conjoncturels
et structurels qui différencient les deux pays quant à leur
insertion internationale. Ainsi, dans les prochaines années, l'Argentine
va devoir renégo cier sa dette extérieure à partir
de sa situation de défaut de paiement qui pèsera durant
un temps sur sa crédibilité internationale et sur sa vulnérabilité
financière extérieure. En outre, il est probable que le
Brésil, pour des raisons de voisinage, suive avec plus d'attention
l'évolution du conflit colombien - et éventuellement d'autres
pays de "l'arc andin". Il lui sera difficile d'éviter
que ce genre de conflit n'ait pas de croissantes connotations internes.
Les intérêts divergents potentiels rendent plus nécessaire
encore le développement d'un climat de loyauté et de confiance
réciproque ainsi que la valorisation de la connaissance mutuelle
entre les protagonistes concernés de chacune des sociétés
civiles, afin d'éviter que ne se produise entre les membres des
effets centrifuges qualifiés par l'ancien président Cardoso
de " dissonance cognitive" (distance entre une réalité
et la connaissance dominante sur celle-ci). A ce propos, le MERCOSUR pourrait
s'inspirer de l'expérience européenne en matière
de connexion entre les sociétés civiles respectives et,
en particulier, sur le plan académique et culturel. Par ailleurs,
il est possible de cerner les éléments communs qui domineront
les agendas des deux grands membres du bloc. Pour le moins, quatre grands
thèmes retiendront l'attention de Brasilia et de Buenos Aires durant
les quatre prochaines années, c'est-à-dire durant les périodes
d'élections présidentielles qui ont débuté
en 2003.
Le premier thème majeur est lié à l'agenda post
11 septembre 2001 et à l'après guerre en Irak ainsi qu'au
renforcement de l'action multilatérale dans le système international,
tant sur le plan financier que sur celui de la sécurité.
Certaines questions réclameront des réponses intelligentes,
exprimées en terme de politique extérieure efficace et pourvues
d'un degré de concertation élevé.
Quelques unes d'entre elles se réferent au thème de la
violence et de la sécurité sur le plan international. Les
problèmes suivant sont les lus saillants: comment préserver
un espace suffisamment large pour l'action des institutions multilatérales
dans un système international qui s'oppose à une tendance
croissante à l'unilatéralisme, surtout de la part de la
principale puissance mondiale? Comment faire en sorte que les réponses
multilatérales, basées sur une attitude responsable des
grandes régions organisées, soient plus efficaces face aux
défis que-les micropôles de violence - agissant souvent en
réseaux. - posent à la gouvernance du système international.
et à la viabilité de la démocratie?
D'autres questions portent sur le thème du financement international.
A ce sujet, la question centrale serait: comment générer
des politiques et des instruments multilatéraux qui permettraient
de neutraliser les effets déstabilisateurs produits par la volatilité
financière internationale dans les pays en développement?
Dans les deux cas, tant par rapport au problème de la sécurité
internationale que par rapport à celui du financement extérieur,
l'action commune des membres du MERCOSUR nécessitera l'établissement
d'un haut degré de communication réciproque tant sur le
plan interne qu'externe, et ce afin de gérer avec efficacité
les situations critiques émergeant dans les pays d'Amérique
du Sud et la région dans son ensemble.
Le deuxième grand thème porte sur la paix et la stabilité
politique dans l'espace sud-américain. Il est incontestable que
dans certains régimes politiques, tels que ceux de l'arc andin,
les fractures sociales, actuelles ou potentielles, conduisent ou peuvent
conduire à un questionnement violent de la légitimité
démocratique [12].
A ce sujet deux questions prioritaires font surface: comment obtenir
des réponses à la fois rationnelles et efficaces, selon
la logique des valeurs démocratiques, pour des problèmes
profondément enracinés sur le plan social? Comment faire
pour que les démocraties les plus stables d'Amérique du
Sud - en particulier l'Argentine, le Brésil et l'Uruguay - puissent
apporter, de manière compréhensive et solidaire, des éléments
à la solution des problèmes des pays voisins; problèmes
qui pourraient à terme affecter le reste de la région. La
solution à cette double équation sera d'autant plus difficile
à apporter si la logique de la violence prédomine dans les
réponses en provenance de l'hémisphère. La qualité
et la franchise du dialogue avec les Etats-Unis, mais également
avec l'UE, seront un élément décisif dans l'efficacité
de l'action nécessaire pour renforcer les possibilités d'un
espace sud-américain de paix, de stabilité politique et
de démocratie.
Le troisième thème d'importance est lié aux négociations
commerciales internationales auxquelles participeront activement les pays
du MERCOSUR durant la période 2003-2004. Le Brésil prendra
une responsabilité spéciale dans les négociations
avec les Etats-Unis que ce soit dans le cadre du projet des Amériques
ou du " 4+ 1 ", du fait de sa dimension économique et
aussi du fait qu'il exerce avec Washington la coprésidence des
négociations de la ZLEA durant la phase finale en cours. La tentation
d'une entente bilatérale ne peut être ignorée et,
le cas échéant, elle devrait être contrôlée.
Mais avec l'Argentine et ses autres partenaires, le Brésil aura
également la possibilité d'exercer une influence significative
sur l'issue des négociations de l'OMC et surtout avec l'UE mais
pas exclusivement - en matière d'accès au marché
et des règles du jeu en ce qui concerne l'agriculture et les services.
A ce propos subsiste une question essentielle, à savoir comment
les négociations commerciales internationales actuelles pourront
être conclues tout en engendrant des résultats satisfaisants
pour les intérêts nationaux de chacun des pays de la région.
La non-participation aux négociations ne semble pas constituer
une option raisonnable, vu que certains pays et régions sont occupés
à négocier et même de conclure des accords de libre-échange
avec les Etats-Unis et l'UE. Le grand défi de ces deux prochaines
années sera donc de négocier correctement, ce qui est loin
d'être acquis étant donné les tendances protectionnistes
que l'on continue d'observer dans les pays industrialisés, surtout
en matière agricole.
Dès le départ, le MERCOSUR a privilégié une
approche multipolaire, ce qui implique la prise en considération
de tous les fronts de négociation, plus particulièrement
ceux de l'OMC, de l'ALADI (Accord . latino-américain d'intégration),
de la ZLEA et de l'UE. Il s'agit de négociations qui sont entrées
en 2003 dans une phase de mise au point, ce qui exige le renforcement
de la coordination gouvernementale et la participation de la société
civile.
La négociation avec les Etats-Unis requiert une attention prioritaire.
Les progrès atteints sur ce front inciteront les Européens
à engager une réellè négociation avec le MERCOSUR.
En outre, pour les questions plus sensibles propres aux pays du Cône
Sud latino-américain - agriculture et défense commerciale
- les négociations de l'OMC sont cruciales.
La ZLEA et le "4+1" constituent deux voies complémentaires
dans les relations que le MERCOSUR entretient avec les Etats-Urus. En
ce qui concerne la ZLEA, il est essentiel de prendre en considération
le fait que la majorité des pays participants ont déjà
signé entre eux des accords de libre-échange (ALE). C'est
notamment le cas pour les EtatsUnis, comme l'atteste l'ALENA ou la signature
d'un accord avec le Chili, l'Amérique centrale et les Carai.bes,
sans parler des systèmes de préférences généralisés
qu'ils entretiennent avec les pays andins. Le MERCOSUR a également
des ALE - ou va bientôt les signer - avec les membres de l'ALADI.
Dans ce 'réseau d'accords, la pièce fondamentale qui manque
est celle qui lierait les Etats-Unis et le MERCOSUR. Dans cette hypothèse,
l'aboutissement des négociations de la ZLEA impliquerait pour les
pays qui, comme le Mexique et le Chili, sont liés par des accords
avec les Etats-Unis, le Canada et les pays latino-américains, l'établissement
de règles communes et, éventuellement, un approfondissement
des préférences obtenues. Mais cela n'ajouterait guère
plus à ce qui a déjà été atteint.
Il serait raisonnable pour le MERCOSUR d'accélérer la négociation
avec les Etats-Unis dans le cadre du "4+1" et de participer
simultanément à la construction de la ZLEA. Cela permettrait
de mettre en uvre une stratégie graduelle qui donnerait des
résultats partiels mais équilibrés et laisserait
pour la conclusion incertaine des négociations de la ZLEA des objectifs
de haute importance dépendant des résultats du round de
Doha. Il s'agit, par exemple, du cas des subsides agricoles.
Des négociations individuelles menées entre chaque pays
du MERCOSUR et les Etats-Unis pourraient constituer une alternative au
"4+1". Cette éventualité fut déjà
avancée à différentes reprises par l'Argentine et
par l'Uruguay [13]. Il s'agit d'nne tentation qui revient av.ec force
et de manière récurrente au Brésil, même après
la victoire de Lula, et même si, comparée à la négociation
" 4+ 1 ", la formule de négociation individuelle ne présente
pas d'avantages. Néanmoins il s'agit d'nne option qui risque d'acquérir
plus de poids, particulièrement au Brésil, si les partenaires
n'arrivent pas à élaborer une stratégie intelligente
pour renforcer sérieusement et de manière crédible
le MERCOSUR.
Le quatrième grand thème est lié au :MERCOSUR. Deux
questions essentielles se dégagent: quel type d'alliance stratégique
régionale mettra-t-on en place pour affronter non setÙement
les fronts actuels de négociation, mais surtout les scénarios
post-négociations commerciales prévisibles? Quels types
de mécanismes et d'instruments permettront de construire un espace
MERCOSUR à dimension sud-américaine [14] qui garantisse
une préférence économique entre les membres, une
certaine prévisibilité en ce qui concerne les règles
du jeu, un niveau raisonnable de discipline collective et un cadre de
bénéfices mutuels assurant sa viabilité dans le temps,
sa crédibilité face aux investisseurs et aux pays tiers,
ainsi que sa légitimité auprès des différentes
sociétés civiles?
Comme nous l'avons déjà constaté en début
d'article, la situation actuelle du :MERCOSUR se caractérise par
un certain manque de crédibilité en ce qui concerne son
efficacité voire même son devenir.
Il semble que le retournement de cette tendance soit devenu prioritaire
dans l'agenda commun de l'Argentine et du Brésil. A cet effet,
placer la construction du :MERCOSUR et son adaptation aux nouvelles réalités
dans la perspective des demandes émanant du cadre de la sécurité
et du financement extérieur de l'évolution de "l'agenda
11 septembre ", comme dans celle des éventuels scénarios
post-négociations commerciales internationales, permettrait le
développement d'approches réalistes orientées vers
le futur. Ces approches devraient encoùtager la créativité
conceptuelle et instrumentale, ainsi qu'une hétérodoxie
raisonnable dans le cadre de la permissivité qu'offrent les compromis
internationaux pris par les pays du MERCOSUR.
L'importance d'un leadership politique collectif
En ce qui concerne les quatre grands thèmes susmentionnés
qui d'ailleurs ne seront pas les seuls pertinents - les actuels gouvernements
de l'Argentine et du Brésil devront faire montre de qualités
pour exercer un leadership individuel et collectif. De leur créativité
et de leur efficacité va dépendre dans une grande mesure
la capacité à démontrer que les démocraties
d'Amérique du Sud peuvent travailler ensemble et de manière
systématique. Une telle collaboration devrait constituer un facteur
décisif dans la construction d'un espace sud-américain de
stabilité et dans la perception dont ces démocraties font
l'objet en tant qu'acteurs de poids dans la région.
Le leadership politique collectif signifie bien plus que la traditionnelle
diplomatie présidentielle. Il implique d'élaborer ensemble
une voie vers un horizon viable reflétant les intérêts
communs des membres et d'avoir la capacité de mobiliser les sociétés
au profit d'objectifs privilégiés. En outre, il s'agit d'être
'capable de générer un consensus entre les membres et dans
leurs opinions publiques respectives afin d'obtenir le soutien social
suffisant et la légitimité nécessaire à la
voie ainsi tracée.
Les prochains mois permettront d'apprécier à travers les
positions concrètes - non seulement rhétoriques - si le
nouveau leadership présidentiel des deux grands pays du MERCOSUR
aura la capacité d'élaborer des réponses collectives
à la mesure des défis. Le plus grand étant probablement
celui qui concerne la conciliation entre les demandes respectives internes
de chaque société et les demandes émanant de l'environnement
régional et mondial. D'autant plus que ce voisinage continuera
très certainement à être conditionné par l'incertitude
et la volatilité, tant politique que financière, et par
les tendances protectionnistes des pays industrialisés, difficiles
à maîtriser.
Pour ce qui a trait aux relations bilatérales entre l'Argentine
et le Brésil, le principal défi sera de créer un
climat de confiance et de loyauté réciproque qui ne pourra
se construire qu'à travers une réelle connais sance des
intérêts communs et des différences naturelles qui
peuvent exister sur le plan des relations internationales. La responsabilité
qui attend les nouveaux présidents consiste à maximiser
ce qui unit les deux pays et à neutraliser les effets dérivés
d'approches parfois différentes. L'incorporation active du Chili
en tant que membre à part entière d'un MERCOSUR avec une
pratique à la fois flexible et prévisible, en particulier
en ce qui concerne le tarif extérieur commun, sera une contribution
efficace pour le développement des agendas externes respectifs
des quatre prochaines années.
Des questions en suspens
Sur le plan des négociations commerciales internationales, certaines
questions sont en attente des réponses qui émergeront des
actions concrètes des nouveaux gouvernements. L'une d'elles consiste
à se demander si le MERCOSUR pourra dépasser les difficultés
actuelles et préserver, non seulement, la possibilité de
pouvoir négocier en tant que bloc - ce qui suppose de résoudre,
entre autres, le problème de son tarif extérieur commun
- mais aussi son identité dans un espace hémisphérique
de libre-échange.
Pour y répondre il est nécessaire de passer en revue les
scénarios possibles du MERCOSUR, notamment son insertion dans la
ZLEA et ses relations avec l'UE. Cet exercice est pertinent pour deux
raisons.
Premièrement, suite à la réunion ministérielle
de la ZLEA à Quito et le triomphe républicain lors des élections
parlementaires nordaméricaines en novembre 2002, il est possible
d'imaginer que l'administration Bush intensifiera le rythme des négociations
du projet des Amériques. Le cas échéant, ceci aurait
des répercussions dans la stratégie de négociation
de l'UE avec le MERCOSUR. Bien que l'avancement des deux fronts dépendra
des négociations agricoles à l'OMC, la cohésion qui
sera atteinte entre les actuels gouvernements argentin et brésilien
ainsi qu'avec les autres membres, revêtira également une
grande importance.
Deuxièmement, face à la stagnation actuelle du MERCOSUR,
on perçoit une volonté politique visant à faire de
ce bloc une plateforme capable d'affronter la concurrence et les négociations
mondiales. C'est du moins ce qui ressort de la rencontre entre les présidents
Lula et Duhalde de janvier 2003. L'élection de Kirchner en Argentine
à la mi-2003 a permis de continuer sur la voie de l'approfondissement
du MERCOSUR. De ce nouveau contexte ont émergé de nouvelles
directives qui visent à résoudre les conflits commerciaux
en cours et à prendre des initiatives tant au niveau social que
sur le plande la coordination macroéconomique.
Trois scénarios peuvent, à tout le moins, être envisagés
pour l'avenir du MERCOSUR. Le premier repose sur la stratégie originelle
de l'association. Il s'agirait d'un MERCOSUR qui, en dépassant
ses limitations, réussirait à développer un espace
économique commun - sur le long terme, une union économique
et monétaire, concrétisant en 2005 sa participation dans
la ZLEA ou, comme variante, un accord "4+1" avec les Etats-Unis
- et concluant l'accord interrégional avec rUE. C'est ce scénario
qui a été privilégié jusqu'à présent.
Il dépend du leadership politique et de l'imagination technique
avec lesquels seront appréhendées les carences actuelles
tant par rapport à la qualité institutionnelle que par rapport
à la discipline collective entre les membres. L'approche flexible
d'une union douanière à géométrie variable
et à plusieurs vitesses devrait faciliter l'adhésion pleine
et entière du Chili dans une échéance raisonnable.
Il s'agit d'un scénario qui pourrait être facilité
par un leadership constructif mené par les Etats-Unis, qui valoriserait
l'approfondissement du MERCOSUR pour la stabilité démocratique
en Amérique du Sud. Ce serait reconnaître un rôle significatif
à l'arc andin par rapport au noyau dur des démocraties consolidées
en Argentine, au Brésil, au Chili et en Uruguay. Cela pourrait
conduire à développer l'idée originale du "4+1
" comme pièce nécessaire à la construction d'une
ZLEA acceptable, ce qui permettrait d'éviter les remises en question
de la légitimité du projet de libre-échange hémisphérique.
La valeur politique d'un MERCOSUR de qualité réside dans
sa capacité à concilier les tensions culturelles et politiques
entre globalisation et identité nationale. Ce scénario,
possible et souhaitable, dépend d'une volonté et d'un leadership
politiques.
Le deuxième scénario est celui de la dilution du MERCOSUR
dans la ZLEA ou dans un projet alternatif dont les Etats-Unis formeraient
l'épicentre. Il suppose la transformation du MERCOSUR en une zone
de libre commerce ou le glissement de facto vers une situation de blocage
des problèmes critiques des membres, incluant sa dilution formelle
en ce qui concerne sa composante commerciale préférentielle.
Ce scénario pourrait être complété par des
accords bilatéraux conclus par les pays du MERCOSUR tant avec les
Etats-Unis qu'avec l'UE. Ce scénario affaiblirait la capacité
négociatrice des membres du bloc sud-américain, Brésil
inclus, par le déséquilibre entre les négociateurs.
En outre, il comporte le risque d'une remise en question de la part de
certains pays du MERCOSUR, engendrant des conséquences politiques.
Toutefois il pourrait s'avérer bénéfique pour les
forces centrifuges que l'on observe en Amérique du Sud. Il s'agit
d'un scénario possible et même probable, mais moins souhaitable
que le premier.
Finalement, un troisième scénario imaginable est celui
d'un MERCOSUR qui continue dans son inertie actuelle, voire avec des amé"liorations
cosmétiques, ou encore un bloc renforcé, mais refusant toute
négociation raisonnable avec les Etats-Unis et l'UE. Cela équivaudrait
à un MERCOSUR introverti et protectionniste, incompatible avec
ses principes fondateurs et avec les engagements pris. Il s'agirait d'un
tout autre MERCOSUR inconciliable avec les réalités politiques
et économiques de ses membres. Dans la pratique, il pourrait conduire
au scénario de sa dilution dans lequel certains de ses membres
actuels choisiraient d'autres chemins plus en phase avec leurs besoins
respectifs. Ce scénario n'est guère souhaitable.
Plus de dix ans après la création du MERCOSUR, un libreéchange
hémisphérique et un accord avec l'UE définissent
le scénario le plus avantageux durant l'étape fondatrice
du bloc sud-américain. Ces initiatives se révèlent
complémentaires et s'épaulent mutuellement dans le cadre
multipolaire et équilibré de l'OMC Un tel scénario
a de fortes chances de l'emporter dans la réalité.
BIBLIOGRAPHIE
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